Le droit à l’erreur, enfin !

Examiné depuis le mois de janvier à l’Assemblée nationale et définitivement adopté par le Parlement le 1er août 2018, le projet de « loi pour un Etat au service d’une société de confiance » (ESSOC) s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de moderniser l’action des services publics et se structure autour de deux piliers : faire confiance et faire simple.

Visant à « encourager la bienveillance dans les relations entre les Français et leurs administrations », ses mesures phares instaurent notamment le droit à l’erreur.

 

Applicable à toutes les catégories d’administrés, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, le droit à l’erreur concerne l’ensemble des démarches administratives. Il donne à chacun la possibilité de se tromper dans ses déclarations à l’administration – y compris dans ses déclarations de revenus – sans risquer une sanction dès le premier manquement.

« Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. »

 

Chacun doit ainsi pouvoir « rectifier, spontanément ou au cours d’un contrôle » son erreur, lorsqu’elle est commise « de bonne foi ».

Le droit à l’erreur, qui doit être involontaire, repose en effet sur un a priori de bonne foi : la charge de la preuve est ainsi inversée et c’est à l’administration qu’il revient de démontrer la mauvaise foi de l’usager.

« Le droit à l’erreur n’est toutefois pas une licence à l’erreur : il ne s’applique ni aux récidivistes ni aux fraudeurs ! Le droit à l’erreur n’est pas non plus un droit au retard : les retards ou omissions de déclaration dans les délais prescrits n’entrent pas dans son champ d’application », insiste cependant le ministère de l’Action et des Comptes publics.

 

En matière fiscale, si les intérêts de retard s’appliquent aujourd’hui à 100%, ils seront réduits de 50% si l’usager rectifie de lui-même son erreur, commise de bonne foi, et de 30% si l’administration fiscale détecte l’erreur de bonne foi dans le cadre d’un contrôle. Cette mesure s’ajoute à la division par deux des intérêts de retard et moratoires inscrite dans le second projet de loi de finances rectificative 2018.

 

Le droit à l’erreur comporte néanmoins des exceptions, notamment lorsqu’il s’agit d’atteintes « à la santé publique, à la sécurité des personnes et des biens ou [de] l’environnement », d’erreurs lésant les droits de tiers, d’erreurs dont la sanction est de nature pénale ou de sanctions prévues par un contrat.

 

Ce droit à l’erreur s’accompagne en outre d’un droit au contrôle.

Comme les particuliers, les entreprises pourront ainsi demander à une administration de les contrôler pour s’assurer qu’elles sont en conformité. Les conclusions rendues seront ensuite opposables, à la manière d’un rescrit. Déjà très utilisé en matière fiscale, ce procédé, qui permet d’interroger l’administration au sujet de sa situation et de se prévaloir ensuite de ses réponses, va être étendu et simplifié.

Pour aller plus loin, il est également question d’expérimenter la possibilité, pour le demandeur, de prérédiger lui-même une prise de position formelle. L’administration aura alors 3 mois pour répondre.

À titre expérimental toujours, soulignons la mise en place d’un « rescrit juridictionnel » dans le cadre d’opérations complexes : un juge administratif pourra être sollicité afin d’évaluer la régularité de la procédure d’adoption d’une décision et d’empêcher ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement.

Le rescrit devient donc un instrument de sécurisation très important, dont les employeurs doivent impérativement se saisir.

Par ailleurs, l’inspection du Travail ne sanctionnera plus automatiquement l’entreprise qu’elle contrôle pour certaines infractions, mais pourra donner un simple avertissement dès lors qu’il n’y a pas d’intention frauduleuse.

En ce qui concerne les URSSAF, la médiation expérimentée en Ile-de-France, qui permet aux employeurs de régler rapidement des difficultés à l’amiable sera généralisée.

Enfin, concernant les PME de moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, la limitation de la durée cumulée des contrôles de l’ensemble des administrations à 9 mois pour une période de 3 ans va être expérimentée pendant 4 ans dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

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